Deux boules de glace
Comme d’habitude, après un trajet de quinze minutes à pied, Julien et moi, nous prenons le métro à Sainte Marguerite pour aller au Rond Point du Prado. Dans le métro, Julien joue avec le téléphone portable. Je tiens la main de mon petit- fils en traversant l’avenue du Prado .Je veux prendre le bus no 19 en direction de la plage, en face de la statue de David . Je ne comprends pas pourquoi on a placé ici cette statue, qui n’a rien à voir avec la mer .Je ne veux pas que Julien voie la statue, mais c’est trop tard ! Julien dit en souriant : «oh !le monsieur avec son kiki !»Nous passons de l’autre côté. Je tire la fermeture –éclair de la veste de Julien pour qu’il ait plus chaud car le printemps est ensoleillé mais encore froid. J’amène mon petit Julien sur une petite colline, d’où nous pouvons regarder le paysage. Aujourd’hui, c’est mercredi, l’école de voiles a beaucoup d’élèves enfants. Julien me dit « Quand je serai grand, tu pourras m’inscrire à cette école.»Je regarde les voiles qui m’apparaissent aussi petites que des jouets. Des groupes d’enfants montent sur les petits bateaux mais aucune voile ne sort du périmètre de sécurité indiqué par des roches.
Nous sommes à côté monument appelé « bateau ivre » .Julien me demande en me montrant le monument : « Qu’est- ce que c’est ?»
Je réponds « C’est le bateau ivre » .Julien dit : « c’est pas beau du tout. Je n’aime pas »
Je ne sais comment lui expliquer, je dis « Quand tu seras grand, tu verras, il est beau, ce bateau ».C’est un poème célèbre de Rimbaud. Julien ne répond pas. Il ne comprend sûrement pas pourquoi un poème fait avec un tas de fers n’est pas pareil que son poème de la fête des mères.
En regardant les chiens qui font pipi au –dessous des morceaux métalliques du monument, Julien me dit :
« Pourquoi ils sont pas tenus en laisse ? Les gens ne respectent rien ! Je me rappelle la remarque de ma femme et de ma fille : « chaque fois, que tu vois un gros chien, il faut garder Julien dans les bras » mais il y a pas de danger avec les petits chiens .Nous descendons vers la plage .Le matin elle est déserte .Les camions vont, viennent et laissent des traces sur le sable comme des sillons dans une terre prête à être ensemencée. Julien dit «c’est très beau, comme dans mon livre, mais pourquoi amène – t-on les chiens ? »Je comprends la critique du petit car pendant l’été, ici nombreux sont les baigneurs et la plage est strictement interdite aux chiens. Bien que nous ne soyons pas encore en été, les panneaux d’interdiction sont encore là . On ne voit ni surveillants ni agents de police. On peut tout de même jouir de la beauté du paysage et du charme de la promenade mais Julien est choqué par les salissures des chiens . Il reste un peu en silence et dit: « tu sais, chez tonton François, le jardin a beaucoup du chiens, mais on ne voit pas de crottes par terre terre. Je suis satisfait de cette remarque d’un enfant de 5 ans, déjà très avancé ,non seulement sur la technique, sur les ordinateur,les appareils photos ou les téléphones portables, mais aussi sur la vie quotidienne .Je vois soudain un gros chien berger Il a l’air calme , mais je prends quand même Julien dans mes bras , je quitte la colline et descends vers l’espace de jeux. Julien me demande « Est-ce que il y a des chevaux et des charrettes ? » «Pas pour le moment ; après, peut être ! »
Julien continue à raconter « Tu sais papi, là bas, les chevaux quand ils nous promènent, derrière la véhicule, il y a un truc, un grand seau pour les crottes »Je sais ce qu’il veut dire : les véhicules hippomobiles au Canada ont un bassin pour recueillir le fumier des chevaux .Nous voyons une voiture de police s’arrêter devant deux dames pour leur dire quelque chose. Je vois une dame remettre son chien en laisse, mais je demande si on lui a aussi rappelé : « avez –vous un sac de plastique pour le toutou ? »
J’aide Julien à monter sur le toboggan et il joue joyeusement en jetant un coup d’œil à la colline,
Soudain je sursaute en entendant un cri : « attention à mon petit chien ! »C’est une vieille dame qui a vu un chien dangereux venir vers elle .Comme le maître de ce chien n’écoute rien, elle répète « Votre chien dangereux , vous n’avez ni laisse ni muselière . » . Le gros chien attaque le petit chien, lui saute à la gorge ; la vieille dame se met à hurler et appelle au secours . Une douzaine de passants s’arrêtent et manifestent bruyamment leur colère
Dans une telle confusion, Julien donne à son grand-père le téléphone portable. A ma grande surprise, j’entends :
« Ici Police, je vous écoute ! »
Je comprends tout de suite et je raconte rapidement l’histoire.
Un instant, après une sirène de police retentit et deux voitures apparaissent. Le jeune est en train de battre la vieille dame et son chien pousse le petit chien par terre. À côté, un vieux monsieur est poussé vivement par un autre individu. La police maîtrise les deux agresseurs. D’autres passants se rassemblent de plus en plus nombreux. Une autre sirène sonne :c’est un voiture de pompiers. Très vite les deux agresseurs sont embarqués au dans une voiture de police Le lendemain, les parents de Julien nous rendent visite et nous invitent à dîner au restaurant, ma femme et moi .Nous connaissons bien l’habitude du Julien quand il est à côté de ses parents ; il nous abandonne complètement .J’ hésite à raconter ce qui s’est passé hier ; Mais au moment du dessert, tout le monde est surpris quand Julien dit : « aujourd’hui , je ne prends pas de glace,parce que j’ai fait une faute hier : j’ai m’appelé la police. » Je dois alors raconter en détail l’histoire .Quand les autres ont fini d’écouter le récit, la maman dit « Tu peux même prendre deux boules de glace au lieu d’une ». Je demande si on peut présenter le petit Julien à la télévision mais ma femme refuse tout de suite car elle a peur de la vengeance des agresseurs .Cette idée est approuvée à l’unanimité
.Quant à moi, depuis ce jour- là ,je n’ai plus l’autorisation de me promener avec Julien sur la plage.
Huynh ngoc Diêu
Avril 2008