UN AMITIÉ MEVEILLEUX
Quand Louis monte dans le métro, vers 8 heures du matin, le wagon est plein. Il trouve dans un coin une place.
En face de lui, un homme est en train de dormir Il a les cheveux blancs et un visage las. Il a l’impression de le connaître mais il ne saurait dire son nom. Mais quand cet homme ouvre les yeux, Louis reconnaît tout de suite, Jean, son meilleur ami, qu’il lui n’a pas vu depuis une dizaine d’années. « C’est toi Jean ? »
L’autre est encore ensommeillé et ne reconnaît son ami qu’à cet instant.
Quelques minutes plus tard, sur une terrasse de café, les deux amis échangent des souvenirs passés.
A cette époque, Louis était un étudiant à l’université de Luminy, à Marseille, et travaillait en été dans un grand restaurant comme serveur. Jean était à la tête de ce restaurant et voyant son serveur travaillant avec sérieux et consciencieusement, il l’aidait en lui conseillant de bien continuer ses études pour assurer son avenir .Louis éprouvait de la reconnaissance pour son employeur, qu’il considérait comme son grand frère .
Le temps passait très vite. Après avoir terminé une licence d’informatique, Louis entra dans école d’ingénieurs, à Paris, fit un stage en Angleterre, puis travailla au Canada. Les deux amis s’écrivaient régulièrement jusqu ‘au jour où la poste renvoya à Louis ses propres lettres.
Assis à la terrasse du café, à voix basse, Jean résume sa vie : le restaurant prenait de l’importance et rapportait beaucoup d’argent ; la patronne faisait confiance à Jean, et elle lui demanda de prendre la direction d’un autre grand restaurant, à Monte Carlo. Sa vie alors prend un virage catastrophique. Au Casino, il brûle l’argent de sa direction .Il est renvoyé.
Louis écoute attentivement l’histoire de cette vie et très ému , rappelle les conseils que Jean lui donnait quand il était jeune : éviter l’ alcool et les jeux d’argent .
-Qu’ est-ce que tu fais aujourd’hui ?
-Je travaille comme veilleur de nuit mais en ce moment, je suis en congé - maladie à cause du diabète et du cholestérol.
-Et toi, Louis, demande Jean, que fais- tu maintenant ?
Louis ne répond pas à la question, il dit : « lundi matin, viens ici et on verra .Maintenant je dois te quitter. Je vais participer à une conférence importante. Je suis encore en France pour quelques jours.»
Avec hâte Louis met un billet de 50 euros sur la table, dit à Jean : « Á lundi matin, à la même heure ! »Et il s’en va.
Resté seul , Jean est encore surpris, il ne sait que faire, mais il est content du billet laissé sur la table .Il demande un autre café et un croissant Il est bientôt rassasié et passe du désespoir à la joie car depuis longtemps il se trouvait dans une situation sans issue ;grâce à cette rencontre, il trouvera peut- être une solution .De toute façon dans le passé, Louis lui devait beaucoup et sans son aide n’aurait pu surmonter ses difficultés !Il acceptera donc l’aide de Louis, c’est logique .Il a l’impression d’être un naufragé qui ,au milieu de la mer, s’accroche à un morceau de bois flottant.
Il va prendre le métro, puis un bus pour rentrer chez lui dans le quartier de Saint Thys, mais soudain il décide de descendre à Saint Loup, où il achète une bouteille JB .Il en boit tellement qu’il s’endort pour se réveiller un peu plus tard avec la tête lourde .De la cour lui parviennent les cris joyeux des joueurs de boules. Il cherche à se rendormir mais en vain. Il prend une bouteille d’eau et la boit d’une traite. L’eau fraîche lui rappelle agréablement la rencontre avec son ancien ami.
Comme il était convenu, le lundi matin à 8 heures, Jean vient au café et cherche la table où il se trouvait le samedi précédent .Il demande un « expresso » et regarde à côté ,puis en face dans la rue, avec l’espoir que Louis ne va pas tarder à venir . Mais il est 9 heures et il n’est toujours pas là. Á 10 heures, Jean commence à s’inquiéter .Il se dit que, peut-être en ce moment, Louis participe à une réunion d’affaires .Mais comment le contacter puisqu ‘il n’a pas le numéro de son portable ? Il doit attendre dans l’anxiété .Il demande un autre café, puis un autre. Les serveurs commencent à mettre le couvert pour le déjeuner .Il doit se lever et aller attendre debout sur le trottoir. A midi, un groupe d’hommes d’affaires traverse la rue. Louis est là avec eux, Jean lui tend la main, dit bonjour, mais à sa surprise, Louis ne répond que par un sourire et quelques mots vagues puis monte avec les autres dans une voiture Mercedes.
Après la surprise, la colère, Jean doit reprendre le métro. Malgré son mécontentement, il revient au café, au même endroit pour attendre son ami, pendant cinq jours ,sans se décourager .Le sixième jour, Louis apparaît avec ses amis et ne manifeste que de l’indifférence .Jean ne peut pas garder son sang froid.
Il prend la main de son ami et s’écrie : « Traître, je t’ai beaucoup aidé et tu refuses de le reconnaître .Je n’ai plus besoin de toi .Jean, stupéfait, reçoit cette réponse de Louis : « Si tu n’as pas besoin de moi, pourquoi m’attendais-tu ? Voilà cinq cents euros et que je ne te revoie plus jamais ! »Louis enfonce les billets dans la poche de Jean et regagne sa voiture.
Fatigué, accablé, désespéré, le pauvre Jean court jusqu’ au métro. Le wagon est presque vide. Il cherche une place au fond, il ferme les yeux .Une voix le réveille : « Vous habitez au Saint Thys ? » Une jeune femme se trouve à côté de lui .Elle explique « Je vous ai vu parfois là- bas car ma tante n’habite pas loin. » Mais quand tous les deux descendent du métro, à la station Sainte Marguerite pour prendre le bus, Isabelle demande à Jean s’il veut qu’elle l’accompagne en voiture. Il accepte tout de suite, mais Isabelle doit passer au parc pour faire sa gymnastique .Elle demande à Jean s’il veut la suivre .Alors, bouleversé, il obéit comme un petit chien. Cinq minutes après, Isabelle court dans le parc et Jean s’assoit sur un banc en bois et regarde les canards qui nagent sur un petit lac. Près de lui bavardent des personnes âgées ; peut être font-elles aussi de la gymnastique. Jamais Jean n’avait assisté à un tel spectacle. Il observe aussi des jeunes gens qui courent autour du parc. Isabelle, de temps en temps, passe devant lui en souriant…
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Pour la cinquième fois Jean est venu dans le parc rencontrer Isabelle qui lui apporte une aide précieuse. Elle est entrée dans la vie quotidienne de Jean. C’est elle qui a commandé le réfrigérateur et le four micro- onde. On les a livrés et ils sont déjà payés. Le parc est le lieu du rendez vous. Isabelle arrive souvent en retard. « Promenez- vous en m’attendant, courez un peu, si cela vous plait »
Jean a maintenant l’habitude de courir .Isabelle est pour lui comme une amie ; parfois il a l’impression comme d’être avec une petite sœur ou même encore une amante. Quand Jean essaie de montrer ses sentiments Isabelle a lui dit « Chaque chose en son temps ! L’important maintenant, c’est de refaire votre vie, de vous venger de celui qui vous a trahi. » Jean se dit en lui- même « Si je veux retrouver mon ancien ami, ce n’est pas pour lui demander de l’aide,mais pour lui démontrer que sa déloyauté est largement compensée par une amitié véritable .
Deux ans ont passé. Jean est maintenant heureux : c’est désormais un homme sportif, joyeux, actif. Un jour, Isabelle demande à Jean s’il veut quitter le poste de veilleur de nuit pour se charger de la gérance d’un restaurant .Il hésite mais Isabelle lui dit : « ne vous inquiétez pas, c’était votre métier autrefois. Vous surmonterez facilement les obstacles du début à une condition … »Jean coupe la parole à Isabelle : « que je travaille sérieusement sans oublier un triste passé… » « C’est bien, surtout n’oubliez pas votre traître d’ami ! » Réplique-elle.
Le grand jour est arrivé : l’ouverture du restaurant .le directeur et Jean sont très occupés de diriger la réception .Dans le grand hall luxueusement décoré,de nombreux visiteurs viennent pour prendre un apéritif aux sons d’un orchestre connu On applaudit au premier toast. Jean se trouve à côté d’Isabelle plus ravissante que jamais
Soudain Jean sursaute ; il se trouve devant un brillant visiteur venu lui serrer la main : c’est Louis ! Après un instante de surprise, Jean se sent gêné, mais garde toujours son sang froid.
-Ça va, grand frère Jean ? Félicitations !
-Merci quand même, mon petit frère millionnaire ! Si tu ne m’avais pas abandonné un certain jour, je n’aurais pas rencontré la personne qui m’a aidé à retrouver la vie.
-Ah ! Bon !
A ce moment, Isabelle apparut au bras de Louis et la présente à Jean en souriant :
-C’est Louis, mon mari !
Puis elle explique « Après avoir examiné votre situation et vos habitudes, Louis m’a demandé de tenir le rôle d’une fausse amante pour sauver son meilleur ami. ».
Louis ajoute « Tu sais, Jean, si tu ne renonces pas à ton amour propre, tu ne peux pas triompher des obstacles de la vie. Il fallait une belle séance de théâtre pour sauvegarder notre merveilleuse amitié ! »
Jean comprend tout de suite, se jette dans les bras de son ami et des larmes coulent sur ses joues.
Huynh-ngoc Diêu
Mars 2008